Les traitements de fond
Quels sont les traitements de la polyarthrite ?
Les traitements de fond agissent sur l'évolution générale, au long cours, des rhumatismes inflammatoires chroniques (RIC) ; ils s'opposent aux traitements symptomatiques qui eux, agissent au jour le jour. Leur action n'est pas immédiate et, sauf exception, ces traitements sont destinés à être pris sur de longues périodes (plusieurs mois ou années). Les traitements de fond classiques, dits « conventionnels »
• Le méthotrexate (Méthotrexate®,Metoject®, Imeth®, Novatrex®)est utilisé depuis plus de 20 ans ; c'est le traitement de référence de la polyarthrite rhumatoïde dans les formes actives érosives. Il freine la destruction des articulations.
Le méthotrexate empêche la synthèse de l'acide folique et permet ainsi d'inhiber la croissance et la prolifération cellulaire ; de ce fait, il est utilisé en cancérologie mais à plus fortes doses. Il est efficace dans le traitement de certains RIC. Il peut être associé à d'autres traitements de fond classiques (sulfasalazine ou hydroxychloroquine) pour une meilleure efficacité et l'est généralement avec les biomédicaments.
La prise d'acide folique (Spéciafoldine®) est nécessaire 48 heures avant ou après car elle prévient certains effets secondaires et diminue le risque cardiovasculaire.
Les effets secondaires les plus fréquents sont les troubles digestifs (nausées, douleurs abdominales, diarrhées,…) ; ils sont prévenus par la prise d'acide folique et parfois par le fractionnement de la dose hebdomadaire de méthotrexate en 2 prises à 8 heures d'intervalle.
Les examens de surveillance des personnes traitées par méthotrexate comprennent généralement une Numération de la Formule Sanguine (NFS) tous les 15 jours au début du traitement puis tous les mois ; cela permet de prévenir une baisse des globules blancs et des plaquettes. Un bilan hépatique tous les 2 ou 3 mois permet de prévenir d'éventuelles fibroses hépatiques que l'on rencontre surtout lors des traitements prolongés.
En cas de fièvre (risque infectieux), il est conseillé d'arrêter le traitement et de consulter ; il en est de même en cas d'intervention chirurgicale, le traitement devra être interrompu une semaine avant et repris une semaine après si tout va bien.
En cas de toux accompagnée de fièvre et d'essoufflement anormal, le traitement doit être arrêté et le médecin consulté en urgence : il peut s'agir d'un effet secondaire rare mais grave (pneumopathie immuno-allergique).
Le méthotrexate est contre-indiqué au cours de la grossesse et la contraception est obligatoire ; le traitement devra être stoppé 2 à 3 mois avant la conception. • Le léflunomide (Arava®) est un immunomodulateur qui agit sur la prolifération des lymphocytes, inhibant de ce fait la réaction auto-immune exagérée qui caractérise les RIC. Il est prescrit dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde et du rhumatisme psoriasique. Il peut être utilisé en première intention en cas de contre-indication au méthotrexate.
Ce traitement présente des effets secondaires mineurs (nausées, céphalées,…) qui cèdent généralement au bout de quelques mois, ou des effets secondaires plus sérieux comme une hypertension artérielle, une atteinte hépatique ou hématologique.
Les examens de surveillance des personnes traitées par léflunomide comprennent généralement un bilan hépatique (tous les mois puis toutes les 6 semaines), une Numération de la Formule Sanguine (NFS) et la surveillance de la fonction rénale.
Une contraception est obligatoire pendant la prise de léflunomide et il est indispensable de discuter avec son rhumatologue de la conduite à tenir en cas de désir de grossesse. En effet, le léflunomide est particulier car non seulement il est contre-indiqué pendant la grossesse, mais il s'accumule environ deux ans dans l'organisme. Devant un désir de grossesse, il faudra envisager au préalable une élimination du produit par une procédure un peu lourde mais qui peut se faire en un mois environ (procédure de « wash-out ») et permet d'éviter d'avoir à attendre un délai de deux ans pour débuter une grossesse. • La sulfasalazine (Salazopyrine®) appartient à la classe thérapeutique des anti-inflammatoires digestifs ; elle est utilisée comme traitement de fond de la maladie de Crohn et de la rectocolite hémorragique. La sulfasalazine agit en inhibant la production d'acide arachidonique (effet anti-inflammatoire) mais on pense qu'elle possède également une action immunosuppressive dont le mécanisme est encore mal connu.
Elle a été introduite comme traitement de fond de la polyarthrite rhumatoïde et de la spondyloarthrite mais son efficacité reste assez modeste, si bien qu'elle est aujourd'hui de moins en moins utilisée. Elle est en général assez bien tolérée mais peut donner des accidents immuno-allergiques, pulmonaires et des lupus induits. • L'hydroxychloroquine (Plaquénil®) appartient à la classe thérapeutique des antirhumatismaux et des antimalariques de synthèse ; il est utilisé comme traitement de fond de certaines maladies rhumatologiques telles que le lupus érythémateux systémique et la polyarthrite rhumatoïde. La fréquence de sa prescription diminue et il reste surtout utilisé dans le traitement du lupus. • Les sels d'or (Allochrysine®), la ciclosporine (Néoral®), la D-penicillamine (Trolovol®) et la tiopronine (Acadione®) sont des traitements de fond de la polyarthrite toujours commercialisés en France aujourd'hui mais très peu utilisés. Traitements de fond conventionnels (anti-rhumatismaux à action lente) Nom commercial | Molécule | Imeth® | Méthotrexate | Méthotrexate® | Metoject® | Novatrex® | Arava® | Léflunomide | Salazopyrine® | Sulfasalazine | Plaquénil® | Antimalarique de synthèse (Hydroxychloroquine) |
Les biomédicaments
Ils sont issus d'organismes vivants (généralement des bactéries), contrairement aux médicaments classiques qui sont issus de la chimie. Ces organismes vivants sont capables de produire des protéines naturellement fabriquées par l'organisme humain (on ne sait pour l'instant pas les fabriquer autrement) ; l'action de ces protéines est renforcée ou modifiée afin d'obtenir un effet thérapeutique. Dans le cadre du traitement des rhumatismes inflammatoires chroniques, les biomédicaments ont pour fonction de bloquer l'activité de certaines cellules ou substances impliquées dans les réactions inflammatoires. L'instauration d'un traitement conventionnel, le plus souvent le méthotrexate, est systématique en première intention. Un biomédicament anti-TNF y est parfois associé d'emblée dans les formes les plus sévères de la maladie. Il s'agit notamment des formes polyarticulaires avec présence d'érosions précoces et d'auto-anticorps (facteur rhumatoïde et/ou anticorps anti-CCP). Les traitements biologiques restent toutefois le plus souvent prescrits après échec d'un ou plusieurs traitements de fond conventionnels utilisés à dose efficace ou maximale tolérée. Les « cibles » de ces traitements sont des messagers chimiques ayant un rôle dans les phénomènes inflammatoires ou d'érosion. On appelle ces messagers des cytokines ; il peut s'agir du TNF alpha (d'où le nom d'anti-TNF donné au médicament) ou bien d'interleukines. La « cible » peut également être une cellule comme le lymphocyte B ou le lymphocyte T qui semblent avoir un rôle crucial dans les mécanismes de l'inflammation et de la polyarthrite : en inactivant une certaine classe de ces lymphocytes, on peut ralentir fortement l'évolution de la maladie.Traitements par biomédicaments
Nom commercial | Molécule | Laboratoire | Date d'AMM* pour la PR** | Mode et fréquence d'administration*** | Indications ayant l'AMM* | Rémicade® | Infliximab :
anti-TNF alpha
(anticorps monoclonal anti-TNF alpha) | MSD
(anciennement Schering-Plough) | 13 août 1999 | Perfusion intraveineuse lente à l'hôpital : toutes les 8 semaines. | Polyarthrite rhumatoïde,
Spondyloarthrite,
Rhumatisme psoriasique,
Psoriasis,
Maladie de Crohn de l'adulte et de l'enfant,
Rectocolite hémorragique de l'adulte et de l'enfant. | Enbrel® | Etanercept :
anti-TNF alpha
(récepteur soluble du TNF alpha) | Pfizer
(anciennement Wyeth) | 16 septembre 2002 | Voie sous-cutanée par auto-injection : une ou deux injections par semaine. | Polyarthrite rhumatoïde,
Spondyloarthrite,
Rhumatisme psoriasique,
Psoriasis en plaques de l'adulte et de l'enfant,
Certaines formes d'arthrite juvénile idiopathique polyarticulaire. | Humira® | Adalimumab :
anti-TNF alpha
(anticorps monoclonal anti-TNF alpha) | AbbVie
(anciennement Abbott) | 8 septembre 2003 | Voie sous-cutanée par auto-injection : une injection tous les 14 jours. | Polyarthrite rhumatoïde,
Rhumatisme psoriasique,
Spondyloarthrite,
Maladie de Crohn,
Rectocolite hémorragique,
Psoriasis,
Arthrite juvénile idiopathique polyarticulaire. | MabThéra® | Rituximab :
anti-lymphocytes B
(anticorps monoclonal qui se fixe sur le récepteur CD20 des lymphocytes B) | Roche | 6 juillet 2006 | Perfusion intraveineuse à l'hôpital une à deux fois par an : 2 administrations à 15 jours d'intervalle. | Polyarthrite rhumatoïde,
Leucémie lymphoïde chronique,
Certains lymphomes. | Orencia® | Abatacept :
empêche la stimulation des lymphocytes T | Bristol-Myers Squibb (BMS) | 21 mai 2007 | Perfusion intraveineuse à l'hôpital toutes les 4 semaines.
Disponible en voie sous-cutanée par auto-injection : une injection par semaine. | Polyarthrite rhumatoïde,
Rhumatisme psoriasique,
Arthrite juvénile idiopathique polyarticulaire. | RoActemra® | Tocilizumab : anticorps monoclonal dirigé contre le récepteur de l'interleukine 6 | Roche | 16 janvier 2009 | Perfusion intraveineuse à l'hôpital toutes les 4 semaines.
Disponible en voie sous-cutanée par auto-injection : une injection par semaine. | Polyarthrite rhumatoïde,
Arthrite juvénile idiopathique systémique ou polyarticulaire. | Simponi® | Golimumab : anticorps monoclonal anti-TNF alpha | MSD | septembre 2009 | Voie sous-cutanée par auto-injection : une injection par mois. | Polyarthrite rhumatoïde,
Spondyloarthrite,
Rhumatisme psoriasique,
Arthrite juvénile idiopatique,
Rectocolite hémorragique | Cimzia® | Certolizumab pégol:
anticorps pégylé anti-TNF alpha | UCB Pharma | 1 octobre 2009 | Voie sous-cutanée par auto-injection : 2 injections le même jour aux semaines 0, 2 et 4 puis une injection toutes les 2 semaines. | Polyarthrite rhumatoïde,
Spondyloarthrite axiale,
Rhumatisme psoriasique,
Psoriasis en plaques | Kevzara® | Sarilumab :
anticorps monoclonal dirigé contre le récepteur de l'interleukine 6 | Sanofi | juin 2017 | Voie sous-cutanée par auto-injection : 1 injection toutes les 2 semaines. | Polyarthrite rhumatoïde. | Prolia® | Dénosumab | Amgen | | Voie sous-cutanée par auto-injection : une injection tous les 6 mois. | Ostéoporose. | *AMM : autorisation de mise sur le marché
**PR : polyarthrite rhumatoïde
*** La fréquence d'administration peut varier selon les indications et la réponse du patient au traitement. En 2015, les biosimilaires, des médicaments biologiques identiques aux biomédicaments déjà existants, sont arrivés sur le marché français car les brevets protégeant certains biomédicaments de la polyarthrite sont tombés dans le domaine public, laissant la voie libre à tous les laboratoires pharmaceutique de les produire.
Découvrez les réponses du Dr Basch (Caluire) aux questions que vous vous posez sur les biosimilaires Traitements par biosimilaires Molécule | Nom commercial du biomédicament princeps | Nom commercial du biosimilaire(s) | Infliximab | Rémicade® | Inflectra® (Pfizer PFE – AMM 10/09/13)
Remsima® (Biogaran – AMM 10/09/13)
Flixabi® (Biogen – AMM 26/05/16) | Etanercept | Enbrel® | Benepali® (Biogen – AMM 14/01/16)
Erelzi® (Sandoz – AMM 29/06/17) | Adalimumab | Humira® | Amgevita® (Amgen – AMM 22/03/17)
Imraldi® (Biogen – AMM 24/08/17)
Hyrimoz® (Sandoz – AMM 26/07/18)
Hulio® (Mylan – AMM 17/09/18)
Idacio® (Fresenius Kaby – AMM 02/04/19) | Rituximab | Mabthera® | Truxima® (Biogaran – AMM 17/02/17)
Rixathon® (Sandoz – AMM 19/06/17) | *AMM : autorisation de mise sur le marché
**PR : polyarthrite rhumatoïde
*** La fréquence d'administration peut varier selon les indications et la réponse du patient au traitement. L’arrivée des traitements synthétiques ciblés
Récemment, une nouvelle cible biologique connue sous le nom des Jaks a été identifiée et un nouveau type de traitements, les anti-JAK ou « jakinibs », est arrivé sur le marché. Les anti-JAK sont des inhibiteurs des Janus kinases, une enzyme présente dans la cellule et intervenant dans le système de régulation intracellulaire. Cette nouvelle classe de médicaments permet de lutter contre l’inflammation chronique. Leur mécanisme d’action est très différent des autres traitements, ce qui permet d’envisager une alternative intéressante pour les patients en échec ou répondant mal aux traitements disponibles. Les anti-JAK participent à l’inhibition de cytokines pro-inflammatoires. Il s’agit de molécules chimiques, à l’inverse des biomédicaments qui sont des molécules biologiques. Ils se présentent sous forme d’un à deux comprimés à prendre quotidiennement.Ils ne sont prescrits qu’après échec d’un anti-TNF ou d’un autre biomédicament de première ligne. Traitements par anti-JAK
Nom commercial | Molécule | Laboratoire | Date d'AMM* pour toutes les indications dont la PR** | Mode et fréquence d'administration*** | Indications ayant l'AMM* | Olumiant® | Baricitinib :
inhibiteur des janus kinase (JAK) 1 et 2 | Lilly | 13 février 2017 | Voie orale, 1 fois par jour | Polyarthrite rhumatoïde,
Dermatite atopique | Xeljanz® | Tofacitinib :
inhibiteur des janus kinase (JAK) 1 et 3 | Pfizer | 22 mars 2017 | Voie orale, 2 fois par jour (1 fois pour la forme LP - libération prolongée) | Polyarthrite rhumatoïde,
Rhumatisme psoriasique,
rectocolite hémorragique | Rinvoq® | Upadacitinib :
inhibiteur de janus kinase (JAK) 1 | Abbvie | 16 décembre 2019 | Voie orale, 1 fois par jour | Polyarthrite rhumatoïde,
Rhumatisme psoriasique,
Spondylarthrite ankylosante | *AMM : autorisation de mise sur le marché
**PR : polyarthrite rhumatoïde Et l'avenir ?
- La diversité des traitements disponibles :
Les biomédicaments montrent depuis quelques années des résultats spectaculaires et très prometteurs ; dans l'avenir, les mécanismes des rhumatismes inflammatoires chroniques et de ces traitements seront de mieux en mieux compris et les posologies adaptées pour une meilleure efficacité et une meilleure prise en charge des patients. D'autre part, les médecins et les malades auront à leur disposition de plus en plus de traitements pour atteindre l'objectif ambitieux qu'il n'y ait plus aucune érosion osseuse. Cet objectif n'est plus de la science-fiction, même s'il reste encore des étapes à franchir et que ce n'est pas encore vrai pour tout le monde. - La médecine personnalisée :
Tout comme il n'existe pas un mais plusieurs profils de patients, il n'y a pas une mais des polyarthrites. La médecine personnalisée est née des multiples formes de la maladie et des composantes génétiques et biologiques propres à chaque patient. Cette pratique correspond à une évolution thérapeutique taillée sur mesure : elle permettra à l'avenir de proposer le traitement le plus adapté à chaque patient, c'est-à-dire le plus approprié en matière de réponse clinique et de tolérance à un traitement.
Pour en savoir plus, lire notre article « La médecine personnalisée : à chaque patient son traitement ». Pour comprendre et en savoir plus
Visionner la vidéo « Dessine-moi 10 ans d'immunothérapies contre la polyarthrite rhumatoïde ». Un projet réalisé par Clothilde Hennequin, Cindy Orvain, Mamadou Sissokho et Arthur Oheix, Université Pierre et Marie Curie, Master mention Biologie Moléculaire et Cellulaire, parcours Immunothérapies et Bioingénierie. Mis à jour le 29-03-2021 à 18:12:32
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